La victoire transforme le Rocket de Laval et l’ambiance à ses matchs

LAVAL, QC - MAY 22: Look on Laval Rocket goalie Cayden Primeau (31) during the game 1 of round 3 of the Calder Cup Playoffs between the Rochester Americans versus the Laval Rocket on May 22, 2022 at Place Bell in Laval, QC (Photo by David Kirouac/Icon Sportswire via Getty Images)
By Marc Antoine Godin
May 24, 2022

LAVAL – Il se passe quelque chose de spécial à la Place Bell.

Les amateurs du Rocket de Laval ont toujours été là pour soutenir leur équipe, mais il y a dans l’atmosphère des séries de la Ligue américaine quelque chose qui s’est ajouté à la personnalité de cet amphithéâtre, de cette équipe, et du public qui l’appuie.

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C’est beaucoup plus festif qu’au Centre Bell. C’est bon enfant sans nécessairement être plus familial. C’est l’endroit où les amateurs du CH se rassemblent pour regarder du hockey sans que tout devienne un enjeu national. Sans qu’on se prenne la tête.

Il y a encore du hockey dans la région de Montréal, les 9 à 10 000 personnes qui se sont déplacés au cours des deux derniers jours étaient bien au fait, et ils entendaient en profiter. Ils sont plus nombreux en ce moment à aller voir les séries de la Ligue américaine que dans n’importe quel marché, et cet engouement rejaillit sur tout le circuit, nous a souligné le commissaire de la LAH, Scott Howson.

Le Rocket, c’est moins sérieux, c’est moins « grave » que le Canadien, mais le soutien envers l’équipe est passionné.

« Personne n’aime le hockey comme le monde au Québec, j’ai appris ça cette année », a déclaré le défenseur américain Louie Belpedio, lundi soir, après la victoire de 3-1 du Rocket face aux Americans de Rochester.

« Je n’ai jamais vu une foule comme ça, a renchéri Tobie Paquette-Bisson. Jouer à Laval en ce moment, c’est incroyable. »

Non seulement ce sont les premiers pas du Rocket en séries éliminatoires depuis qu’il s’est établi à Laval, mais c’est la première fois en 11 ans que le parcours du club-école du Canadien dépasse la première ronde.

Bien sûr que cela fait une différence dans l’enthousiasme des supporteurs. Mais cela fait surtout une différence sur la glace, où des bases plus solides semblent enfin en place.

Pendant plusieurs années, la filiale du CH a opéré sur la base d’un principe très précis : le développement individuel des joueurs passait avant la victoire. Préparer les jeunes en vue de la Ligue nationale, en vue d’en faire des contributeurs à long terme pour le Canadien, tel était le mandat fondamental. Peut-être était-ce plus simple de penser ainsi et de ramener le travail à chaque individu étant donné que, trop souvent, le club-école n’a pas eu les chevaux pour aligner une équipe gagnante.

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Qu’on ne se trompe pas, le Rocket n’est pas encore une formation qui est tirée par les meilleurs espoirs du Canadien. Il n’est pas à l’image des Americans de Rochester, la formation qu’il vient de battre deux fois en 24 heures et qui se définit par ses jeunes talents de première ronde comme Jack Quinn, Peyton Krebs et J.J. Peterka, des joueurs qui sont perçus comme étant l’avenir des Sabres de Buffalo.

Dimanche soir, dans le premier match de la série, c’est le vétéran de la Ligue américaine Danick Martel qui s’est illustré en marquant quatre buts. Lundi, ce sont Belpedio et Brendan Gignac, deux autres joueurs qui ont vu l’Amérique de Hershey à San Diego, qui ont marqué les deux premiers buts du Rocket et qui ont été ses meilleurs patineurs.

Il y a certes des choix au repêchage du Canadien dans le groupe, et quelques joueurs qui finiront un jour par donner un bon coup de main dans la LNH; mais le Rocket forme un groupe aguerri, teigneux et prêt à faire ce qu’il faut pour gagner en séries.

« On est une équipe complète qui travaille ensemble et qui s’améliore ensemble », a décrit Paquette-Bisson.

Peut-être le Rocket héritera-t-il l’an prochain de récents choix de première et de deuxième ronde, et qu’il deviendra éventuellement une formation de « gros noms ». Mais en ce moment, du côté de Rochester, le profil des Quinn, Krebs et autres ne change rien au fait que le Rocket n’est plus qu’à un match de la finale d’Association. Les jeunes vedettes des Amerks sont réduites au silence, il y a beaucoup de frustration dans l’air, et c’est le Rocket qui est enfin en train de s’enivrer avec la victoire.

(Vitor Munhoz / NHLI via Rocket de Laval)

Alors que retirent de ces séries éliminatoires les Cayden Primeau de ce monde, les Rafaël Harvey-Pinard, les Jesse Ylönen, ceux qui ont une chance légitime de passer à l’échelon supérieur?

Ils se développent en gagnant, nous a répondu l’entraîneur-chef Jean-François Houle.

Et ça, c’est nouveau.

« C’est très important de développer, mais il faut gagner, a insisté Houle, lundi soir. Regardez le Lightning de Tampa Bay. Tous ces joueurs qui gagnent avec Tampa Bay en ce moment, ils ont gagné dans la Ligue américaine. C’est là où tout le monde se pousse ensemble et que ça devient contagieux. C’est très important pour le développement des joueurs, je pense même que c’est primordial.

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« C’est bien beau développer, mais quand tu perds tout le temps et que c’est négatif et que les gars sont frustrés, l’environnement est dur à contrôler pour un entraîneur. Quand tu gagnes, l’environnement est plus le fun, tout le monde est heureux, et tu peux grandir là-dedans pas mal plus que dans un environnement perdant. »

Le gardien Cayden Primeau, qui vit présentement ses meilleures heures depuis son arrivée chez les professionnels, en est le parfait exemple.

En matière de défaites et de négatif, le gardien de 22 ans s’y connaît un brin. Ses moments les plus creux faisaient pitié à voir, plus tôt cette saison, lorsqu’il a été rappelé par le Canadien et qu’absolument rien ne fonctionnait. Mais ce n’est pas seulement Primeau qui en arrachait. Toute l’équipe était dans une spirale perdante et il n’y a rien dans l’expérience de la Ligue nationale qui pouvait être bénéfique pour le jeune gardien.

Tandis que, de retour avec le Rocket, dans un environnement où il est à sa place, Primeau a été en mesure de tourner la page et d’amorcer un nouveau chapitre quand ont commencé les séries éliminatoires.

« Il faut savoir tout mettre derrière soi », a dit Primeau dimanche soir après une prestation dominante en première période d’une victoire de 6-1.

« J’ai essayé au cours des deux dernières années de me concentrer sur ce qui se passait ici et maintenant, de ne pas regarder trop loin dans le futur ou dans le passé. Et c’est très amusant en ce moment. Alors je vais juste me concentrer sur maintenant. »

Lundi, c’est en deuxième moitié de rencontre, après que ses coéquipiers eurent ralenti leur cadence effrénée, que Primeau s’est vraiment imposé.

« Tout au long de l’année, quelles que soient les embûches sur son chemin, il a été en mesure d’y faire face, et là son succès rejaillit, a commenté Belpedio. Il vient peut-être de jouer le meilleur match que j’ai vu de la part d’un gardien dans n’importe quelle équipe pour laquelle j’ai joué. »

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Le rendement de Primeau est à la fois une cause et une conséquence d’une équipe qui a appris à gagner. Ou qui est prête à gagner.

Si l’on retourne quatre mois en arrière, il aurait été difficile d’envisager l’avenir de Primeau avec beaucoup d’optimisme. Or, il s’établit en ce moment comme la pierre angulaire d’une équipe pouvant aspirer à la Coupe Calder. Le contraste est saisissant.

Il est rendu à une étape où, à l’échelle de la Ligue américaine du moins, c’est le succès qui doit le faire avancer, et non plus seulement l’amélioration technique. C’est être placé devant des défis, les surmonter, et être récompensé individuellement et collectivement. Puis augmenter sa confiance, et reprendre au match suivant.

Non, le Canadien n’est peut-être pas plein aux as en termes d’espoirs de haut niveau présentement à Laval. Mais le club-école fait drôlement bien son travail quand le principal gardien d’avenir de l’organisation, qui aurait pu garder les séquelles d’une saison régulière impitoyable, se voit donner l’occasion et les outils pour rebondir et qu’il atteint un autre niveau comme Primeau l’a fait.

Il n’y a pas une grande distance séparant le Centre Bell et la Place Bell, mais elle est suffisante pour que les chahuts et les murmures se soient tus et que Primeau entende une autre foule, chaleureuse et heureuse d’être contente, scander son nom à répétition.

Qu’il continue d’en profiter. De se développer en gagnant.

Rien ne presse.

(Photo: David Kirouac/Icon Sportswire via Getty Images)

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